OBLIGATION DE PRÉVENTION FACE AUX RISQUES EN DÉVELOPPEMENT
OBLIGATION DE PRÉVENTION FACE AUX RISQUES EN DÉVELOPPEMENT
Il s'agit ici de risques pour lesquels une prise de conscience collective relativement récente s'est opérée au cours des dernières décennies.
Certains, comme le stress ou les troubles musculo-squelettiques (TMS[1]), peinent d'ailleurs à être reconnus d'un point de vue juridique.
Comme pour le chapitre 4, la sanction pénale en cas de non-respect des obligations afférentes est indiqués dans le développement qui suit.
Toutefois, pour plus d'informations en matière de responsabilité pénale, il convient de se reporter à l'étude "responsabilité pénale" dans la 2ème partie.
Section 1 : Addictions
A) Tabac
Ce thème est d'actualité depuis le décret n°2006-1386 du 15 novembre 2006, qui généralise l'interdiction de fumer.
1) Les lieux concernés
L'article 1 du décret du 15 novembre 2006 a modifié l'article R3511-1[2] du Code de la santé publique de la manière suivante :
Les organismes de Sécurité sociale sont donc doublement concernés par cette interdiction, puisqu'ils accueillent du public et constituent également des lieux de travail. Ce principe a été rappelé dans la lettre du Comité exécutif du 30 janvier 2007 .
La circulaire ministérielle du 29 novembre 2006 précise ces deux notions :
Dès lors qu'un espace est clos et dispose d'un plafond, il est interdit à quiconque d'y fumer. Au contraire, les balcons, passerelles, porches, où l'air circule librement, ne rentrent pas dans le champ d'application de ce texte.
En vertu de l'article 5 du décret, ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er février 2007 (1er janvier 2008 dans les lieux de loisirs tels que restaurants, discothèques, bars...)
« L'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif mentionnée à l'article L3511-1 s'applique :
Dans tout les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail (...) »
« La notion de lieu accueillant du public doit s'entendre par opposition au domicile et à tout autre lieu à usage privatif.
Il s'agit en particulier des administrations et des établissements et organismes placés sous leur tutelle
(...)
Dans les entreprises, l'interdiction s'applique dans les locaux affectés à l'ensemble du personnel (accueil, réception, locaux de restauration, espaces de repos, lieux de passage...). Elle s'applique également aux locaux de travail, aux salles de réunion ou de formation mais aussi aux bureaux, même occupés par une seule personne, dans la mesure où plusieurs personnes y ont accès, notamment le personnel d'entretien. »
2) L'exercice du pouvoir disciplinaire
Conformément au principe rappelé dans la partie relative au pouvoir disciplinaire de l'employeur, il appartient à ce dernier de faire respecter les mesures relatives à l'hygiène et à la sécurité.
Le salarié contrevenant à l'interdiction de fumer dans un espace clos et couvert commet donc une faute passible d'une sanction disciplinaire. Cette dernière devra alors être proportionnée en fonction de la gravité des faits et du comportement de l'agent.
Il a ainsi été jugé qu'un salarié employé comme opérateur dans une société de cartonnerie qui avait été surpris en train de fumer dans la salle de pause de l'entreprise pouvait faire l'objet d'un licenciement pour faute grave.
Il faut toutefois souligner que dans cette affaire, les faits reprochés étaient d'autant plus grave qu'en raison de risques spécifiques liés à l'activité de l'entreprise, un arrêté préfectoral d'autorisation d'installation classée avait imposé une interdiction de fumer justifiée par la sécurité des personnes et des biens, qui était par ailleurs rappelé dans le règlement intérieur et dans une note de service (Cass. Soc. 01/07/2008, pourvoi n°06-46421).
3) Incidence sur le temps de travail
Le salarié désirant fumer une cigarette doit la consommer dans un espace découvert. Deux hypothèses peuvent alors se présenter : soit il existe un tel lieu à l'intérieur du périmètre de l'organisme (dans une cour intérieur, sur un balcon...), soit il n'en existe pas, auquel cas les fumeurs devront sortir de l'organisme, le plus souvent par la voie publique.
a) L'espace découvert est situé à l'intérieur du périmètre de l'organisme
On peut alors assimiler une telle pause à la « pause café »
. En effet, la machine distributrice de boissons se trouve fréquemment dans les locaux de travail, et le salarié consomme son café sur place, restant ainsi à disposition de l'employeur, même s'il n'est pas à son poste de travail. Ce temps de pause est donc assimilable à un temps de travail.
De même, lorsque l'espace découvert où la consommation de cigarettes est autorisée appartient à l'organisme, le salarié fumeur reste à disposition de son employeur. Il convient donc de traiter ces pauses comme du temps de travail.
b) L'espace découvert est situé à l'extérieur du périmètre de l'organisme
Dans cette hypothèse, le salarié qui sort fumer une cigarette se soustraie à la subordination de son employeur. Ce temps de pause ne sera donc pas considéré comme temps de travail.
Par conséquent, l'employeur peut tout à fait contraindre les salariés fumeurs à pointer en sortie et en entrée pour la durée de ces pauses.
En outre, dans le cadre de son pouvoir de direction, et en l'absence de dispositions spécifiques sur ce point, l'employeur peut imposer des limites à ces pauses (en nombre et/ou en durée).
L'employeur peut également se montrer plus favorable et choisir de ne pas faire pointer ces personnes en traitant ces pauses comme temps de travail (comme n'importe qu'elle autre pause). Il relève dès lors de son pouvoir de direction, de prendre toutes mesures utiles, même disciplinaires, pour que les salariés n'abusent pas de ces prérogatives.
B) Alcool
Les boissons alcoolisées peuvent poser deux types de difficultés : la violation de la réglementation en la matière, et les conséquences de l'état d'ivresse du salarié sur son lieu de travail.
1) L'introduction et la consommation d'alcool dans l'entreprise
L'article R4228-20[3] du Code du travail dispose qu'« aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail »
.
Cette législation ancienne est désormais inadaptée à la réalité.
a) Le droit commun
Les boissons alcoolisées autres que celles listées ci-dessus sont donc totalement prohibées sur le lieu de travail.
Le non respect de cette interdiction constitue une faute, et il appartient à l'employeur de déterminer quelle est la sanction disciplinaire la plus appropriée.
b) Le cas particulier du vin, de la bière, du cidre et du poiré
Pour ces boissons, la question se pose de savoir si l'employeur peut restreindre le droit pour les salariés de les introduire et de les consommer sur le lieu de travail.
Il convient dès lors de se référer à l'article L1321-3[4] du Code du travail, qui dispose :« Le règlement intérieur ne peut contenir (...) des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
Une interdiction absolue, même si elle va dans le sens d'une politique de prévention de la santé des salariés, peut paraître à la fois excessive et disproportionnée au regard du but poursuivi (notamment le bon fonctionnement du service, la prévention des risques en matière de sécurité).
Une interdiction partielle semblerait plus conforme à l'esprit de l'article L1321-3[4]. Serait alors autorisée l'introduction de ces boissons dans l'entreprise, ainsi que leur consommation pendant les heures de repas.
Dans ce cas, la seule sanction possible de la consommation d'alcool interviendra si le salarié se trouve en état d'ivresse.
c) Les "pots" (de départ, d'arrivée...)
Aucune réglementation sur ce point n'existe. Il convient donc de se reporter aux règles exposées ci-dessus : les boissons listées à l'article R4228-20[3] sont bien sûr autorisées, quant aux autres, elles sont interdites.
L'employeur engage dès lors sa responsabilité.
Il est dès lors conseillé de privilégier des boissons non alcoolisées.
2) Face à l'état d'ébriété : que faire ?
a) Moyens de contrôle
L'ivresse d'un salarié peut être démontrée par l'utilisation de diverses techniques, qui sont généralement soumises à des conditions strictes de mise en œuvre (salariés concernés, mention dans le règlement intérieur...)
En l'absence de tels outils, l'attestation émanant de collègues ou de tiers (usagers, prestataires par exemple) reste le seul moyen.
Il présente toutefois certains inconvénients : il n'est pas complétement fiable, et ne peut être utilisé que lorsque l'ébriété est manifeste (démarche titubante, élocution laborieuse et incohérente...).
En outre, pour pouvoir étayer à lui seul une sanction disciplinaire, il faut veiller à obtenir de nombreuses attestations.
1. L'alcootest
Il s'agit d'un procédé de contrôle, qui, pour être licite, doit être prévu dans le règlement intérieur. La jurisprudence (Conseil d'État 01/02/1980 et 08/07/1988) ainsi que le Ministère du travail sont venus préciser qu'il s'agissait avant tout d'un outil de prévention destiné à éviter toute situation dangereuse.
En effet, l'usage de l'alcootest ne peut être destiné à tous les salariés, quelle que soit leur situation. Il doit concerner uniquement ceux exerçant des fonctions pour lesquelles l'état d'ébriété constituerait un danger pour eux-mêmes ou pour les autres (salariés manipulant des produits dangereux ou qui conduisent des véhicules par exemple).
Les modalités de mise en œuvre doivent également permettre la contestation du taux d'alcoolémie constaté.
Sous réserve du respect de ces deux conditions, le résultat obtenu par ce moyen peut ensuite être utilisé comme moyen de preuve pour sanctionner un salarié en état d'ivresse.
A noter que si les appareils qui mesurent le taux d'alcoolémie par le biais de l'air expiré peuvent être autorisés, l'employeur ne peur en aucun cas utiliser un appareil mesurant ce taux à partir du sang prélevé.
En effet, l'usage d'un tel appareil aurait pour effet d'obliger le salarié à subir un prélèvement sanguin, ce qui est totalement illégal.
2. La fouille des vestiaires
Là encore, la jurisprudence a précisé que ce procédé ne peut être utilisé de manière générale, sans tenir compte des circonstances de fait.
La fouille des vestiaires doit en effet être justifiée par « des nécessités de l'hygiène ou de la sécurité »
(Conseil d'État 09/10/1987 n°69829 et n°72220 ; Cass. Soc., 11/12/2001, pourvoi n°99-43030).
En outre, la fouille ne peut être effectuée qu'en présence du salarié ou à défaut après l'en avoir averti (la présence d'une personne désignée par le salarié à titre de témoin, ou à défaut d'un délégué du personnel, est alors conseillée).
Enfin, l'employeur devra veiller à préserver le contenu du vestiaire de la curiosité des tiers non requis.
b) Réaction de l'employeur face à l'état d'ébriété
1. L'accès et le séjour dans les locaux de travail
L'article R4228-21[5] du Code du travail dispose :
A la lecture de ce texte, l'employeur devrait interdire au salarié ivre de pénétrer dans les locaux. Il risquerait toutefois d'engager sa responsabilité si le salarié en question était peu après victime d'un accident, et pourrait se voir accuser de non assistance à personne en danger.
Faire entrer cette personne dans les locaux peut également s'avérer dangereux si elle y est victime d'un accident (chute, malaise...) ou si elle cause un préjudice à autrui (agression...).
Les mêmes objections peuvent être formulées pour la solution qui consiste de demander à un autre salarié de raccompagner son collègue ivre : en cas d'accident sur le trajet, celui-ci sera sans aucun doute reconnu comme ayant un caractère professionnel.
Il appartient ensuite à la Direction, en fonction de la gravité de l'état d'ébriété du salarié, d'attendre avec lui un retour à la normale, ou de le faire évacuer.
Dans ce dernier cas, l'employeur peut soit faire appel à un membre de sa famille qui en prendra alors la responsabilité, soit faire intervenir les secours (généralement les pompiers, souvent accompagnés de représentants de l'ordre).
Le salarié en question ne doit donc pas être laissé seul ou ramené chez lui par un collègue, car en cas de dommage, l'employeur serait alors responsable.
« Il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse. »
2. La sanction disciplinaire
L'état d'ébriété en lui-même n'est pas un motif de sanction car il relève de la santé du salarié. En revanche, les conséquences sur le travail fourni pourront faire quand à elles l'objet d'une sanction, dans la mesure où elles empêchent l'exécution correcte du travail, ou influent sur le comportement de l'intéressé vis-à-vis de ses collègues ou de tiers à l'organisme (propos ou gestes agressifs ou incohérents).
Comme toujours en matière disciplinaire, il appartient à l'employeur d'apprécier la gravité de la faute, ainsi que la sanction appropriée.
Le salarié dont les fonctions impliquent un danger pour lui-même ou pour les tiers (notamment la conduite d'un véhicule) en cas d'ivresse se voit ainsi plus sévèrement sanctionné.
De même, la sanction est aggravée à chaque manquement constaté : un ou plusieurs avertissement(s) ou blâme(s), suivi d'une mise à pied et/ou d'un licenciement.
Dans le même temps, il faut bien voir que la répétition de ce type de comportement peut alors être qualifiée d'alcoolisme, qui relève de l'état de santé du salarié.
L'employeur devra donc veiller à associer le médecin du travail à la procédure, notamment en envoyant le salarié se faire examiner à chaque état d'ivresse, et, le cas échéant, en se conformant à ses recommandations.
C) Drogue
Le salarié qui introduit ou a fortiori commercialise un produit incriminé comme stupéfiant sur le lieu ou pendant le temps de travail commet non seulement une infraction pénale mais également une faute grave, voire lourde, justifiant son licenciement.
Cette appréciation peut toutefois être nuancée selon les circonstances de l'espèce.
Le salarié qui consomme une telle substance sur le lieu ou au temps de travail pourra de même faire l'objet d'une sanction disciplinaire (appréciée d'après les fonctions et le poste de l'intéressé).
Comme pour l'alcool, le fait générateur de la sanction n'est alors pas lié à l'état de toxicomanie, mais aux conséquences que celui-ci peut avoir sur le travail fourni ou le comportement du salarié.
A ainsi été jugé comme valable le licenciement pour faute grave par une société de télé-marketing et de télé-services de deux techniciens conseils ayant fumé un "joint" dans la salle de pause fumeurs de l'entreprise (Cass. Soc 01/07/2008, pourvoi n°07-40053).
Les moyens de preuve à privilégier sont, comme pour l'état d'ébriété : les attestations des autres salariés, la fouille des vestiaires, ainsi que les tests salivaires permettant de détecter la présence de substances psychoactives.
Si ces derniers sont actuellement utilisées à titre expérimental par les forces de l'ordre en matière de sécurité routière, un employeur peut tout à fait y avoir recours, et ce dans les mêmes conditions qu'un alcootest (procédé prévu dans le règlement intérieur uniquement pour les salariés ayant des fonctions à risques, possibilités des personnes contrôlées).
Là encore, l'employeur devra faire appel au médecin du travail avant d'envisager une quelconque mesure, puisqu'il s'agit ici aussi d'un élément relevant de l'état de santé du salarié.
Le problème peut également se poser du détournement ou de l'abus de certains médicaments. L'employeur pourra ici envisager une sanction en raison des répercussions de ce comportement sur l'exécution de son travail.
Si le détournement de médicaments (consommation de médicaments non prescrits pour une personne qui n'en a pas besoin) peut être assimilée à la consommation de produits stupéfiants, l'abus de médicaments (des antidépresseurs par exemple) met l'employeur dans une situation plus délicate, en raison de l'état de santé a priori fragile du salarié.
Dans cette hypothèse, le médecin du travail devra être très étroitement associé à la procédure avant d'envisager des conséquences sur la relation contractuelle.
Section 2 : Les risques psychosociaux
A) Le stress
Jusqu'à très récemment, il s'agissait là d'une notion inconnue en droit français. Aucune définition juridique de ce terme n'existait.
Un accord a été signé au niveau européen le 8 octobre 2004 entre une organisation syndicale de salariés (la CES) et des organisations patronales (l'UNICE devenue Business Europe, à laquelle adhère le MEDEF, l'UEAPME, à laquelle adhère la CGPME, et le CEEP).
Cet accord n'était pas directement applicable dans les États membres, et nécessitait une transposition en droit interne.
C'est désormais chose faite, puisque les syndicats patronaux et les syndicats représentant les salariés viennent de parvenir à un accord national interprofessionnel le 2 juillet 2008.
Il est toutefois rappelé que l'UCANSS n'étant adhérente d'aucune organisation syndicale patronale signataire de cet accord, celui-ci ne s'applique donc pas à l'Institution.
Cet accord reprend la définition du stress élaborée par l'Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail.
Pour cette dernière, « un état de stress survient lorsqu'il y a un déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face. »
Si le stress n'existe pas en tant que tel dans le droit applicable au personnel de l'Institution, il n'en reste pas moins qu'il peut avoir des conséquences juridiques.
Ainsi un employeur qui maintient une pression psychologique intense sur ses salariés en leur imposant des objectifs très élevés, voire irréalisables, risque de provoquer chez eux certains troubles physiques ou psychologiques.
On le voit, la limite avec la notion de harcèlement moral, qui est quand à elle juridiquement encadrée, s'avère souvent ténue.
Si le harcèlement implique de la part du harceleur d'avoir conscience du mal qu'il fait à sa victime, le stress, au contraire, s'instaure en raison de conditions de travail qui ne sont pas destinées à nuire à la victime mais à améliorer le rendement (objectifs élevés, pression managériale) ou qui sont apparues d'elles-mêmes (tension entre collègues).
Selon les cas, les conséquences peuvent se révéler plus ou moins graves (fatigue, migraines, affections dermatologiques, troubles cardio-vasculaires ou musculo-squelettiques, l'anxiété, la dépression...).
On peut également citer l'épuisement professionnel, qui existe sous divers noms selon les cultures : le burn-out dans le monde anglo-saxon, où une situation de forte responsabilité professionnelle et sociale entraîne un épuisement physique et psychologique avec sensation d'être vidé de toute énergie, ou bien le spectaculaire karoshi (terme japonais), c'est-à-dire l'état d'épuisement physique et nerveux provoqué par le travail et la tension permanente, jusqu'à l'apathie et la mort survenant par accident vasculaire cérébral ou infarctus du myocarde.
De tels symptômes, s'il est établi qu'ils sont liés aux conditions de travail, peuvent dès lors être reconnus comme accidents de travail.
Ainsi la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 22 février 2007 (pourvoi n°05-13771), a-t-elle qualifié d'accident du travail la tentative de suicide à son domicile d'un salarié, et ce à la suite d'une dépression ayant une origine professionnelle.
Dans un autre arrêt du 28 novembre 2007 (pourvoi n°06-21964) et cité dans le juractualité n°142 de novembre 2007, la même juridiction a considéré que la mise en place d'entretiens annuels d'évaluation était subordonné à la constitution du Comité d'hygiène, de sécurité e des conditions de travail (CHSCT[6]) car elle était de nature à générer une pression psychologique sur les salariés.
Dans l'Institution, la mise en œuvre des EAEA résulte du Protocole d'accord du 30 novembre 2004 négocié au niveau de la branche par les partenaires sociaux.
Il s'agit donc d'une norme conventionnelle dont la nature juridique est supérieure à celle d'un engagement unilatéral de l'employeur.
B) Le harcèlement
Le harcèlement se décline sous deux formes : le harcèlement sexuel et le harcèlement moral. Le premier a été reconnu et condamné par le Code pénal puis par le Code du travail au début de la décennie 1990.
Le second est apparu dans la jurisprudence vers la même époque, mais il a fallu attendre la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 pour le voir reconnu par le législateur.
Le développement constant du contentieux lie au harcèlement moral en fait un sujet d'actualité.
A ce propos, le harcèlement (sexuel et moral) a fait l'objet d'un accord cadre européen entre une organisation syndicale de salariés (l'ETUC/CES) et des organisations patronales (Business Europe, nouvelle appellation de l'UNICE, à laquelle adhère le MEDEF, l'UEAPME, à laquelle adhère la CGPME, et le CEEP).
Cet accord n'était pas directement applicable dans les États membres, et nécessitait une transposition en droit interne. C'est désormais chose faite avec la conclusion de l'Accord National Interprofessionnel (ANI[7]) sur le harcèlement et la violence au travail du 26 mars 2010 signé à l'unanimité.
Il est toutefois rappelé que l'UCANSS n'étant adhérente d'aucune organisation syndicale patronale signataire de cet accord, celui-ci ne s'applique donc pas à l'Institution.
D’autre part, la loi n°2008-496 sur la lutte contre les discriminations du 27 mai 2008, en transposant trois directives européennes, assimile dorénavant le harcèlement (moral ou sexuel) à une discrimination dès lors qu’il a pour origine un motif discriminatoire.
Cette loi a fait l'objet de la lettre circulaire UCANSS n°034/08 du 7 août 2008 qui reprend ces nouvelles définitions.
Devraient donc désormais coexister deux types de harcèlement : celui ayant pour origine un motif discriminatoire et réprimé comme discrimination, et celui « de droit commun » (qui n'est pas fondé sur un tel motif), toujours réprimé selon les mêmes modalités, telles qu'elles sont exposées ci-dessous.
Depuis quatre arrêts de la Chambre sociale du 24 septembre 2008 (pourvois n°06-43504, 06-45579, 06-45747 et 06-46517), la Cour de cassation a renforcée son pouvoir d'appréciation des faits pour qualifier une situation de harcèlement.
Avant ces décisions, il appartenait aux juges du fond d'examiner si les faits invoqués relevaient ou non du harcèlement.
Désormais, la haute Cour affiche clairement sa volonté, devant la multiplication d'un contentieux sensible, de renforcer la nature de son contrôle, d'harmoniser les pratiques des différentes cours d'appel et de préciser les règles qui conduisent la recherche de la preuve.
1) Le harcèlement sexuel
a) Définition
L'article L1153-1[8] du Code du travail vise « les agissements de harcèlement de toute personne dont le but est d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers »
.
Le harcèlement se définit donc exclusivement par son objet, à savoir l'obtention de faveurs de nature sexuelle. Tout agissement ayant cette finalité pourra donc être considéré comme tel.
Il importe de noter que l'exigence de répétition d'agissements « déplacés » n'apparaît pas dans cet article. Le harcèlement sexuel peut donc être constitué en présence d'un seul acte visant à obtenir des faveurs sexuelles (par exemple un chantage à l'embauche).
En pratique, les juridictions du fond invoquent toutefois le caractère répété, voire habituel, de tels agissements pour retenir l'existence d'un harcèlement sexuel. En effet, l'emploi même du terme « harcèlement » implique une répétition de ces agissements.
Il faut également noter que ces derniers peuvent ne pas être constitutifs d'un harcèlement sexuel selon les circonstances de l'espèce (âge et personnalité de la victime et de l'auteur présumé, ambiance de travail...)
b) Le régime de la preuve
Les modalités de preuve sont identiques pour le harcèlement sexuel et pour le harcèlement moral. Elles sont définies par l'article L1154-1[9] du Code du travail, qui vise ces deux types de comportements :
A noter qu'avant la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, le salarié devait seulement « présenter » des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, c'est-à-dire qu'il devait seulement invoquer de tels éléments, sans avoir à les prouver.
Le salarié qui s'estime victime d'un harcèlement sexuel doit désormais établir ces éléments, autrement dit les prouver, et c'est alors seulement que l'employeur devra se justifier.
« Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152 1 à L. 1152 3 et L. 1153 1 à L. 1153 4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
c) Les conséquences du harcèlement sexuel
1. Protection de la victime et des témoins
Selon l'article L1153-2[10] du Code du travail, « aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel. »
L'article L1153-3[11] ajoute qu' « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés. »
Cet article vise à protéger le salarié victime d'un harcèlement sexuel de toute mesure qui serait prise à son égard en raison de son refus de céder aux avances du harceleur.
Le régime de protection est le même que celui applicable au harcèlement moral. La seule différence réside dans le champ d'application qui est ici plus large, puisque sont ici visés les salariés et les personnes ayant dénoncé une telle pratique, mais aussi les candidats à un recrutement, à un stage ou à une période de formation.
Toute décision contraire à ce principe est susceptible d'annulation (article L1153-4[12]) :
Nullité de la rupture du contrat de travail (voir 3. Recours et indemnisation du salarié victime dont le contrat de travail est rompu)
Nullité des sanctions disciplinaires
Nullité des mesures discriminatoires (par exemple un refus d'embauche, d'octroi de points de compétences ou d'une promotion)
2. Sanction de l'auteur du harcèlement
Le comportement de ce dernier est doublement condamnable.
Il constitue d'une part une infraction pénale selon l'article 222-33[13] du Code pénal (« Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende »
) ou 222-33-2[14] (« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende »
).
Cette infraction est mentionnée à l'article L1155-2[15] du code du travail.
D'autre part, l'article L1153-6[16] du Code du travail dispose que « tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire »
.
Plusieurs arrêts de jurisprudence considèrent qu'il s'agit là d'une faute grave du salarié auteur du harcèlement, rendant impossible son maintien dans l'entreprise (Cass. Soc., 05/03/2002, n°00-40717 et 12/03/2002, n°99-42646). Il s'agit là d'un des rares cas où la qualification de la faute est automatique.
3. Recours et indemnisation du salarié victime dont le contrat est rompu
Plusieurs situations peuvent se présenter : le salarié victime peut avoir été licencié, il peut avoir demandé la résiliation judiciaire, ou bien avoir pris acte de la rupture.
- Le salarié a été licencié
Ainsi que le prévoit l'article L1153-4[12] du Code du travail, le licenciement est alors nul de plein droit, et le salarié réintégré.
S'il accepte sa réintégration dans l'entreprise, il perçoit une indemnisation en réparation du préjudice matériel subi au cours de la période écoulée entre le licenciement et la réintégration dans l'organisme, et éventuellement du préjudice moral.
S'il refuse, il a droit, outre la réparation du préjudice moral, aux indemnités de rupture (indemnité de licenciement et de préavis), ainsi qu'à l'indemnité visée à l'article L1235-3[17] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (d'un montant minimum de six mois de salaire, quelle que soit l'ancienneté du salarié et l'effectif de l'entreprise).
- Le salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat ou a pris acte de la rupture.
La rupture sera alors requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Deux hypothèses peuvent alors être distinguée :
le salarié a deux ans d'ancienneté ou plus et les effectifs de l'organisme sont au moins de onze : le salarié a droit aux indemnités de rupture (indemnité de licenciement et de préavis) et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'au moins 6 mois de salaire (article L1235-3[17] du Code du travail)
le salarié a moins de deux ans d'ancienneté ou les effectifs sont inférieurs à onze : le salarié a droit aux indemnités de rupture (indemnité de licenciement et de préavis), à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (dont le montant est appréciée souverainement par le juge en fonction du préjudice subi – article L1235-5[18] du Code du travail), ainsi qu'à une indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement dans la limite d'un mois de salaire (la jurisprudence autorisant dans ce cas le cumul des deux indemnités).
2) Le harcèlement moral
a) Définition
L'article L1152-1[19] du Code du travail dispose qu' « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Trois éléments constitutifs sont donc nécessaires :
Des agissements répétés (à la différence du harcèlement sexuel)
Une dégradation des conditions de travail
Une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou à l'avenir professionnel du salarié
Le harcèlement moral étant défini par ses conséquences sur les conditions de travail, le caractère intentionnel du harcèlement moral n'est donc pas requis. Celui-ci peut donc être retenu alors même que son auteur n'avait pas conscience de harceler la ou les victime(s).
b) Exemples jurisprudentiels
1. Affaires où le harcèlement moral a été retenu
Les méthodes de gestion d'un supérieur hiérarchique consistant à soumettre ses subordonnés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre ordres dans l'intention de diviser l'équipe, se traduisant pour le salarié par sa mise à l'écart, un mépris affiché à son égard, une absence de dialogue ayant entraîné un état dépressif peuvent caractériser un harcèlement moral Le harcèlement peut être caractérisé même si l'employeur a pris des dispositions en vue de le faire cesser (Cass. soc., 10/11/2009, n°07-45321).
Des méthodes de management abusives caractérisent un harcèlement moral. Un directeur de société soumettait ses vendeurs à un management par objectifs intensifs et à des conditions de travail extrêmement difficiles, se traduisant par la mise en cause sans motif des méthodes de travail d'un salarié, notamment par des propos insultants et un dénigrement au moins à deux reprises en présence de collègues et ayant entraîné un état de stress majeur nécessitant un traitement et un suivi médical (Cass. soc., 03/02/2010, n° 08-44107).
Des propositions de reclassement contraires aux prescriptions du médecin du travail constituent des agissements de harcèlement moral (proposition à 5 reprises du poste d'hôtesse au service client qui était incompatible avec les préconisations du médecin du travail ; Cass. soc, 28 /01/2010, n°08-42616).
Est victime de harcèlement moral la salariée qui n'a précédemment fait l'objet d'aucun reproche et qui est sanctionnée par quatre avertissements dont aucun n'est fondé et dont il est résulté une dégradation de ses conditions de travail (Cass. soc., 22/03/2007, n°04-48308)
Constituent un harcèlement moral le retrait sans motif du téléphone portable à usage professionnel, l'instauration d'une obligation de se présenter tous les matins au bureau du supérieur, l'attribution de tâches sans rapport avec les fonctions exercées (Cass. soc., 27/10/2004, n°04-41008)
Les violences, brimades, injures et autres vexations infligées à des personnes vulnérables constituent une atteinte à la dignité humaine et ne peuvent être assimilées à un mode paternaliste de gestion non pénalement punissable (Cass. crim., 23/04/2003, n°02-82971)
Le harcèlement moral peut être le fait de modifier délibérément des heures de présence, d'empêcher le salarié d'accéder à son lieu de travail, de le priver de ses salaires irrégulièrement, de lui faire des reproches injustifiés ou réflexions désobligeantes (Cass. crim., 21/06/2005, n°04-86936)
Le fait pour l'employeur d'affecter la salariée dans un local exigu, sans outils de travail ni chauffage décent, de l'isoler des autres salariés de l'entreprise et de mettre en doute son équilibre psychologique constitue du harcèlement moral (Cass. soc., 29/06/2005, n°03-44.055)
2. Affaires où le harcèlement moral n'a pas été retenu
Une rétrogradation injustifiée ne caractérise pas à elle seule l'existence d'un harcèlement moral (Cass Soc, 09/12/2009, pourvoi n°07-43219)
Des tentatives de licenciement, toutes infructueuses, pour des raisons similaires, ne permettent pas de caractériser l'existence d'un harcèlement moral et d'une discrimination syndicale (Cass. soc., 08/01/2003, n°00-46824)
c) Le régime de la preuve
Les modalités de preuve sont identiques pour le harcèlement moral et pour le harcèlement sexuel. Elles sont définies par l'article L1154-1[9] du Code du travail, qui vise ces deux types de comportements :
A noter qu'avant la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, le salarié devait seulement « présenter » des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, c'est-à-dire qu'il devait seulement invoquer de tels éléments, sans avoir à les prouver.
Le salarié qui s'estime victime d'un harcèlement moral doit désormais établir ces éléments, autrement dit les prouver, et c'est alors seulement que l'employeur devra se justifier.
« Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152 1 à L. 1152 3 et L. 1153 1 à L. 1153 4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
d) Les conséquences du harcèlement moral
Il faut avant tout préciser que des accusations de harcèlement moral peuvent se retourner contre leur auteur si elles ne sont pas fondées. Elles peuvent d'une part constituer une dénonciation calomnieuse au sens de l'article 226-10[20] du Code pénal, et d'autre part une faute disciplinaire.
Ainsi en a décidé Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 18 février 2003 (pourvoi n°01-11734), puisqu'elle a retenu la faute grave contre une salariée qui avait adressé à son supérieur deux lettres lui imputant faussement des actes de harcèlement moral puis avait poursuivi en justice la résolution de son contrat.
1. Protection de la victime et des témoins
Selon l'article L1152-2[21], « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir, les agissements définis à l'alinéa précédent ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. »
L'article L1152-3[8] ajoute « toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. »
Cet article vise à protéger le salarié victime d'un harcèlement moral de toute mesure qui serait prise à son égard en raison de ses réactions face aux agissements du harceleur.
Le régime de protection est le même que celui applicable au harcèlement moral. La seule différence réside dans le champ d'application qui est ici plus restreinte.
En effet, ne sont pas concernés les candidats à un recrutement, à un stage ou à une période de formation, dans la mesure où le harcèlement moral (qui implique la répétition des agissements incriminés) ne pourrait être reconnu dans ce cas.
Toute décision contraire à ce principe est susceptible d'annulation :
Nullité de la rupture du contrat de travail (voir 3. Recours et indemnisation du salarié victime dont le contrat de travail est rompu)
Nullité des sanctions disciplinaires
Nullité des mesures discriminatoires (par exemple le refus d'octroi de points de compétences ou d'une promotion)
2. Sanction de l'auteur du harcèlement
Le comportement de ce dernier est doublement condamnable.
Il constitue d'une part une infraction pénale selon l'article 222-33-2[14] du Code pénal (« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende »
).
En vertu de l'article L1152-5[22] du Code du travail, il est également passible d'une sanction disciplinaire dont il appartient à l'employeur d'apprécier l'importance compte tenu du manquement invoqué (« Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire »
).
Contrairement au harcèlement sexuel, le harcèlement moral donc n'est pas obligatoirement constitutif d'une faute grave.
L'employeur a d'ailleurs tout intérêt à ne pas rester inerte face à un harcèlement moral et à prendre les mesures nécessaires (y compris des mesures disciplinaires) pour faire cesser cette situation, sous peine d'engager sa responsabilité.
3. Responsabilité de l'employeur
L'employeur qui laisse une situation de harcèlement s'installer ou se perpétuer ne respecte pas son obligation de sécurité vis-à-vis du salarié.
La Cour d'appel de Paris a ainsi jugé, dans un arrêt du 4 janvier 2005, qu'en n'agissant pas et en se contentant de rappeler une note générale, l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de veiller à ce que les salariés travaillent dans des conditions respectant leur dignité et leur santé morale et physique.
La jurisprudence va même plus loin, puisque même si l'employeur n'a pas commis de faute, il peut être reconnu responsable du dommage causé à la victime.
En effet, l'obligation de sécurité à la charge de l'employeur étant une obligation de résultat (Cass. Soc., 11/04/2002, n°00-16535; Cass. soc, 03/02/2010, n°08-44019), il importe peu que celui-ci ait fait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter le harcèlement ou qu'il ait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements, seul le résultat, à savoir l'absence de harcèlement, compte.
La Chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi par deux fois retenu la responsabilité d'un employeur à qui il ne pouvait être reproché aucune faute (Cass. soc., 21/06/2006, n° 05-43914; Cass. soc., 21/02/2007, n° 05-41741).
4. Recours et indemnisation du salarié victime dont le contrat de travail est rompu
Plusieurs situations peuvent se présenter : le salarié victime peut avoir été licencié, il peut avoir demandé la résiliation judiciaire, ou bien avoir pris acte de la rupture.
- Le salarié a été licencié
Ainsi que le prévoit l'article L1153-4[12], le licenciement est alors nul de plein droit, et le salarié réintégré.
S'il accepte sa réintégration dans l'entreprise, il perçoit une indemnisation en réparation du préjudice matériel subi au cours de la période écoulée entre le licenciement et la réintégration dans l'organisme, et éventuellement du préjudice moral.
S'il refuse, il a droit, outre la réparation du préjudice moral, aux indemnités de rupture (indemnité de licenciement et de préavis), ainsi qu'à l'indemnité visée à l'article L1235-3[17] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (d'un montant minimum de six mois de salaire, quelle que soit l'ancienneté du salarié et l'effectif de l'entreprise).
- Le salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat ou a pris acte de la rupture La rupture sera alors requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Deux hypothèses peuvent alors être distinguée :
le salarié a deux ans d'ancienneté ou plus et les effectifs de l'organisme sont au moins de onze : le salarié a droit aux indemnités de rupture (indemnité de licenciement et de préavis) et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'au moins 6 mois de salaire (article L1235-3 du Code du travail[17])
le salarié a moins de deux ans d'ancienneté et les effectifs sont inférieurs à onze : le salarié a droit aux indemnités de rupture (indemnité de licenciement et de préavis), à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (dont le montant est appréciée souverainement par le juge en fonction du préjudice subi – article L1235-5[18] du Code du travail), ainsi qu'à une indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement dans la limite d'un mois de salaire (la jurisprudence autorisant dans ce cas le cumul des deux indemnités).
C) Les agressions par des non salariés
Le code du travail ne définit pas les notions de violence au travail et d'incivilités contrairement à l'ANI sur le harcèlement et la violence au travail.
Cet accord reprend la définition de la violence posée par le Bureau International du Travail.
Ce risque existe surtout pour les salariés en charge de l'accueil du public.
Il entre dans l'obligation générale de sécurité de résultat de l'employeur d'empêcher que les usagers violentent (verbalement et physiquement) ces salariés.
Divers moyens peuvent dès lors être utilisés : poster des vigiles aux entrées et aux sorties, installer un système de vidéosurveillance (après autorisation préfectorale et éventuellement de la CNIL), système d'enregistrement des conversations téléphoniques avec l'extérieur (après information et consultation du Comité d'entreprise)...
Il paraît également opportun que les agents concernés puissent suivre des formations appropriées (gestions des situations de conflit...)
On peut également signaler les initiatives de la CPAM de Paris et de la
CAF de Toulouse, qui ont toutes deux signé un accord collectif locaux en la matière.
D) Les troubles musculo-squelettiques
Comme pour le stress, il ne s'agit pas là d'un terme juridique.
Les TMS se manifestent par des douleurs et une gêne dans les mouvements. Syndromes du canal carpien ou encore tendinites, ils affectent principalement les muscles, les tendons, et les nerfs des membres supérieurs et inférieurs au niveau du poignet, des épaules, du coude ou des genoux.
Les TMS résultent d'un déséquilibre entre les capacités fonctionnelles des personnes et les sollicitations qui apparaissent dans un contexte de travail notamment, sans possibilité de récupération suffisante.
Or, les travaux exigeant des gestes répétés sous forte contrainte de temps restent très répandus, voire se développent dans de nouveaux secteurs d'activité.
Si le coût humain est important (souffrance, atteinte à l'image de soi, dégradation de la vie privée), le coût économique est aussi élevé pour l'entreprise.
Une politique de prévention est donc de nature à diminuer sérieusement les risques de TMS.
- TMS
Troubles Musculo-Squelettiques
- Article R3511-1
Source : Code de la santé public
Article R3511-1
«Modifié par Décret 2007-1133 2007-07-24 art. 5 1° JORF 25 juillet 2007»
L'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif mentionnée à l'article L. 3511-7 s'applique :
1° Dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail ;
2° Dans les moyens de transport collectif ;
3° Dans les espaces non couverts des écoles, collèges et lycées publics et privés, ainsi que des établissements destinés à l'accueil, à la formation ou à l'hébergement des mineurs.
- Article R4228-20
Source : Code du travail
Article R4228-20
«Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)»
Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail.
- Article L1321-3
Source : Code du travail
Article L1321-3
Le règlement intérieur ne peut contenir :
1° Des dispositions contraires aux lois et règlements ainsi qu'aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ou l'établissement ;
2° Des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ;
3° Des dispositions discriminant les salariés dans leur emploi ou leur travail, à capacité professionnelle égale, en raison de leur origine, de leur sexe, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur situation de famille ou de leur grossesse, de leurs caractéristiques génétiques, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales ou mutualistes, de leurs convictions religieuses, de leur apparence physique, de leur nom de famille ou en raison de leur état de santé ou de leur handicap.
- Article R4228-21
Source : Code du travail
Article R4228-21
«Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)»
Il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse.
- CHSCT
Comité d'Hygiène et de Sécurité et des Conditions de Travail
- ANI
Accord National Interprofessionnel
- Article L1153-1
Source : Code du travail
Article L1153-1
Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits.
- Article L1154-1
Source : Code du travail
Article L1154-1
Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
- Article L1153-2
Source : Code du travail
Article L1153-2
Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel.
- Article L1153-3
Source : Code du travail
Article L1153-3
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.
- Article L1153-4
Source : Code du travail
Article L1153-4
Toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions des articles L. 1153-1 à L. 1153-3 est nul.
- Article 222-33
Source : Code pénal
Article 222-33
Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende.
- Article 222-33-2
Source : Code pénal
Article 222-33-2
«Créé par Loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 - art. 170 JORF 18 janvier 2002»
Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende.
- Article L1155-2
Source : Code du travail
Article L1155-2
«Modifié par LOI n°2010-769 du 9 juillet 2010 - art. 35»
Les faits de harcèlement moral et sexuel, définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, sont punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 €.
La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l'affichage du jugement aux frais de la personne condamnée dans les conditions prévues à l'article 131-35 du code pénal et son insertion, intégrale ou par extraits, dans les journaux qu'elle désigne. Ces frais ne peuvent excéder le montant maximum de l'amende encourue.
- Article L1153-6
Source : Code du travail
Article L1153-6
Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire.
- Article L1235-3
Source : Code du travail
Article L1235-3
Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.
- Article L1235-5
Source : Code du travail
Article L1235-5
Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :
1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l'article L. 1235-2 ;
2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ;
3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4.
Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.
Toutefois, en cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 1232-4 et L. 1233-13, relatives à l'assistance du salarié par un conseiller, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 s'appliquent même au licenciement d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés.
- Article L1152-1
Source : Code du travail
Article L1152-1
Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
- Article 226-10
Source : Code pénal
Article 226-10
«Modifié par LOI n°2010-769 du 9 juillet 2010 - art. 16»
La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.
La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée.
En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci.
- Article L1152-2
Source : Code du travail
Article L1152-2
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
- Article L1152-5
Source : Code du travail
Article L1152-5
Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire.