OBLIGATION DE SÉCURITÉ : UNE OBLIGATION DE RÉSULTAT
OBLIGATION DE SÉCURITÉ : UNE OBLIGATION DE RÉSULTAT
Dans la mesure où l'employeur fournit au salarié un travail à exécuter (et souvent un local où effectuer ce travail), il doit garantir des conditions de travail saines et sûres.
De prime abord, on pourrait penser que cette obligation de sécurité est une obligation de moyen, c'est-à-dire que l'employeur devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir les risques liés à la santé de ses salariés, sans pour autant être dans l'obligation de parvenir à ce résultat.
Mais la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un premier arrêt du 28 février 2002 (pourvoi n°99-17201) l'a qualifié d'obligation de résultat en ce qui concernait les maladies liées à l'amiante.
Elle a ensuite généralisé cette solution à l'ensemble des risques professionnels (Cass. Soc., 11/04/2002, pourvoi n°00-16535).
Selon une formulation désormais classique, la juridiction suprême considère :
« Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1[1] du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. »
Dès lors, l'employeur peut engager sa responsabilité propre par le biais de la faute inexcusable s'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger.
L'obligation de résultat signifie que si le danger était ou aurait dû être connu et qu'il se matérialise, la faute inexcusable est constituée, quand bien même l'employeur établit qu'il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour prévenir le risque.
Le champ de cette obligation couvre la prévention du harcèlement (cf chapitre 2, section 2) puisque la jurisprudence a rappelé que l'existence d'un harcèlement avéré démontre que l'obligation de prévention n'est pas respectée quand bien même l'employeur a pris des mesures de prévention (Cour Cass., 03/02/2010, pourvoi n°08-44019).
De même, cette obligation n'est pas remplie par l'employeur qui en cas d'absences répétées obligeant à réaliser une visite de reprise accepte que le salarié reprenne son activité s'en s'assurer de l'aptitude à l'emploi par la visite médicale (Cass. Soc., 16/06/2009, pourvoi n°08-41519).
On voit bien qu'une telle obligation est lourde de conséquences, et qu'il est nécessaire que chacune des parties (employeur et salarié) dispose de moyens de faire respecter cette obligation par l'autre.
Dans ce cadre, l'employeur pourra faire usage de son pouvoir disciplinaire, et le salarié de sont droit d'alerte et de retrait.
Section 1 : Le pouvoir disciplinaire de l'employeur
L'article L4121-1[2] du Code du travail dispose :
D'autre part, l'article L4122-1[3] précise qu' « (...) il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que celles des autres personnes concernées (...) »
Dès lors qu'un salarié ne respecte pas cette dernière obligation, il commet une faute susceptible d'être sanctionnée par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction et de discipline.
Cette sanction s'apprécie au cas par cas, selon la gravité du manquement constaté. Elle peut aller, le cas échéant, jusqu'au licenciement pour faute grave.
Ainsi en a-t-il été jugé dans un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de Cassation le 23 mars 2005 (pourvoi n°03-42404) pour un salarié d'une entreprise de bâtiments et travaux publics qui refusait régulièrement de porter le casque de sécurité obligatoire.
On peut également signaler un arrêt de la même juridiction du 6 juin 2007 (pourvoi n°05-45984) pour une salariée qui n'avait pas remplacé un escabeau endommagé, dont l'utilisation constituait un danger personnel.
« L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
Des actions de prévention des risques professionnels ;
Des actions d'information et de formation ;
La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. »
Section 2 : Le droit de retrait du salarié
Lorsque le salarié se trouve en situation de danger, il peut alerter son employeur (article L4131-1[4] du Code du travail), voire se retirer de son poste de travail (article L4131-3[5] du Code du travail).
A) Conditions d'exercice
Selon les articles cités ci-dessus, le salarié, pour exercer l'un de ces deux droits, doit « avoir un motif raisonnable de penser »
que la situation dans laquelle il se trouve présente « un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé »
.
Il s'agit là d'une appréciation subjective de la part du salarié, indépendante de la réalité ou de l'imminence réelle du danger.
Pour être valable, il suffit donc que cette appréciation ne soit pas insensée ou absurde au regard de la situation réelle de travail.
En cas de contentieux, le contrôle de cette condition est effectué au cas par cas par le juge, selon les circonstances de l'espèce.
Par ailleurs, l'article L4132-1[6] du Code du travail précise que l'exercice de ce droit ne doit pas « créer pour autrui une nouvelle situation de danger gravement imminent »
.
B) Interdiction de sanctionner
Cette prohibition résulte de l'article L4131-3[5] qui prévoit que la personne faisant usage de son droit de retrait ne doit subir « aucune sanction, aucune retenue de salaire »
.
Ce principe vaut si les conditions décrites précédemment sont remplies.
Si toutefois le recours à ce droit s'avère non justifié et abusif, l'employeur peut alors pratiquer une retenue sur salaire correspondant au temps non travaillé, ou sanctionner le salarié fautif pour abandon de poste. (Cass. Crim., 25 novembre 2008, pourvoi n°07-87650)
Dans un arrêt du 28 janvier 2009 (pourvoi n°07-44556), la Cour de Cassation se prononce pour la première fois sur la validité d'un licenciement consécutif à l'exercice du droit de retrait.
Elle considère que le licenciement est nul lorsque l'exercice du droit de retrait est légitime dans une situation de danger. Ce qui consacre l'exercice du droit de retrait comme une liberté fondamentale pour le salarié.
C) Conséquences du droit d'alerte ou de retrait
L'article L4131-4[7] du Code du travail ajoute :
«
Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur définie par l'article L452-1[1] du Code de la Sécurité Sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé. »
Lorsque le salarié ou un membre du CHSCT[8] alerte l'employeur d'un danger grave et imminent qui survient et cause un accident, la victime pourra se prévaloir de la faute inexcusable.
La faute inexcusable évoquée ci-dessus ouvre droit au salarié à une majoration de la rente versée par la caisse primaire.
La victime ou ses ayants droit peut également demander à être indemnisée de préjudices normalement non couverts (prix de la douleur, préjudice esthétique, préjudice d'agrément, perte d'une chance, préjudice moral).
C'est la CPAM[9] qui verse la majoration de rente et, s'il y a lieu, les dommages et intérêts correspondants aux divers préjudices.
Cependant c'est l'employeur qui supportera au final les conséquences financières des majorations au travers du taux de cotisation AT/MP.
Si au contraire les conditions d'exercice du droit de retrait ne sont pas remplies, notamment si le salarié n'avait pas de motif raisonnable de penser que la situation présentait une situation de danger, la Cour de Cassation juge qu'une retenue sur le salaire peut être pratiquée sans saisine préalable du juge, peu importe d'ailleurs que le salarié reste à la disposition de l'employeur (Cass. Soc., 23/04/2003, pourvoi n°01-44806 ; Cass. Crim., 25/11/ 2008, pourvoi n°07-87650).
- Article L452-1
Source : Code de la Sécurité Sociale
Article L452-1
«Créé par Décret 85-1353 1985-12-17 art. 1 JORF 21 décembre 1985»
Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.
- Article L4121-1
Source : Code du travail
Article L4121-1
«Modifié par LOI n°2010-1330 du 9 novembre 2010 - art. 61»
L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
- Article L4122-1
Source : Code du travail
Article L4122-1
Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.
Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur.
- Article L4131-1
Source : Code du travail
Article L4131-1
Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d'une telle situation.
L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection.
- Article L4131-3
Source : Code du travail
Article L4131-3
Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux.
- Article L4132-1
Source : Code du travail
Article L4132-1
Le droit de retrait est exercé de telle manière qu'elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.
- Article L4131-4
Source : Code du travail
Article L4131-4
Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé.
- CHSCT
Comité d'Hygiène et de Sécurité et des Conditions de Travail
- CPAM
Caisse Primaire d'Assurance Maladie